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 [Article] De la mouche à l'homme, un seul même supergène pour l'oeil

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-Nora-
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MessageSujet: [Article] De la mouche à l'homme, un seul même supergène pour l'oeil   [Article] De la mouche à l'homme, un seul même supergène pour l'oeil I_icon_minitimeMar 8 Oct 2013 - 13:42


De la mouche à l'homme, un seul même supergène pour l'oeil

La recherche, et aussi - 01/05/2000 par Walter J. Gehring dans mensuel n°99 à la page 96.


Comment une structure aussi parfaite que l'oeil humain se développe-t-elle ? Pourquoi les yeux se forment-ils au niveau de la tête et non ailleurs ? Comment le nerf optique trouve-t-il son chemin et se connecte-t-il au cerveau ? Ce sont là quelques-uns des problèmes captivants de la biologie du développement. De récentes découvertes les éclairent d'un jour nouveau. Elles permettent de conclure qu'un gène unique, situé au sommet d'une cascade d'événements impliquant deux à trois mille gènes, détermine la formation de l'oeil. Fait inimaginable voilà quelques années, ce « gène maître » a été retrouvé chez les vers plats, les insectes, les mammifères et l'homme. Le contrôle génétique de la formation de l'oeil semble donc universel dans le règne animal.

Thomas Hunt Morgan, l'un des pionniers de la génétique dans les années 1910, aurait sans doute été agréablement surpris de constater que son animal de recherche favori, une minuscule mouche, la drosophile mouche des fruits ou du vinaigre deviendrait quatre-vingts ans plus tard la source d'une extraordinaire découverte : l'oeil possède un plan génétique de construction identique chez les insectes et les mammifères, bien que l'oeil composé des insectes soit bâti de façon totalement différente de l'oeil mammaIien. !

Tout a commencé en 1964. Alors que j'étais étudiant, j'ai découvert d'étranges mutants qui apparaissaient brusquement dans les stocks de drosophiles du laboratoire d'Ernst Hadorn, à l'université de Zurich. A la place des antennes, les mouches exhibaient... des pattes. De toute évidence, la mutation, que j'ai nommée Nasobemia , affectait un gène impliqué dans le contrôle de l'architecture de l'insecte. Elle activait les gènes requis pour la construction des pattes et inactivait ceux qui étaient nécessaires à la formation des antennes. Chez la plupart des mouches, la nouvelle structure était faite pour une part d'une patte et pour l'autre d'une antenne, mais il n'existait aucune structure intermédiaire. D'où l'idée que le gène affecté par la mutation Nasobemia - qualifié lui-même de gène Nasobemia - jouait le rôle d'un sélecteur chargé de « décider » si une cellule et sa descendance prenaient la voie de développement conduisant à la patte ou celle menant à l'antenne.

Bien avant la découverte de la mutation Nasobemia , il était connu que des modifications génétiques pouvaient altérer de manière extraordinaire le plan d'organisation du corps de la drosophile. Le naturaliste anglais William Bateson, à la fin du XIXe siècle, a qualifié d'« homéosis » du grec homos , semblable le phénomène de transformation d'un organe par un autre. Les gènes affectés par de telles mutations, les gènes homéotiques, ou homéogènes, assurent, au cours du développement normal, que les organes soient formés à leur juste place.

Dans le génome de la mouche, j'ai pu localiser le gène Nasobemia sur un site proche de celui du gène Antennapedia , dont la mutation provoque des conséquences similaires découvertes en 1948 par Jean Le Calvez, à Rennes, et par Sien-Chin Yu, qui faisait sa thèse à l'Institut de technologie de Californie. Des études moléculaires ont montré vingt ans plus tard que Nasobemia correspond en fait au gène Antennapedia . Les travaux de Gary Struhl et de Tom Kaufman, à l'université d'Indiana, ont montré qu'il existe deux types de mutations du gène Antennapedia , ayant des effets opposés, comme c'est le cas d'autres gènes homéotiques. Certaines mutations le font s'exprimer à la mauvaise place, c'est-à-dire au niveau de l'antenne au lieu de la patte, ce qui conduit à la transformation des antennes en pattes. D'autres mutations lui font perdre toute fonction et ont l'effet inverse : elles provoquent la formation d'antennes à la place des pattes, mais ces mutations sont mortelles.

Ces observations nous ont permis de conclure que le gène Antennapedia est normalement responsable de la formation des pattes, et non pas des antennes. Ces curieuses transformations provoquées par la mutation de ce gène m'ont longtemps préoccupé. Mais à la fin des années 1960, c'est-à-dire avant l'avènement de la technique de l'ADN recombinant qui permet d'extraire, d'isoler et de reproduire au centuple un fragment d'ADN, autrement dit de le « cloner », il était quasi impossible de découvrir le mécanisme d'action d'un tel gène.

En 1983, Richard Garber, Atsushi Kuroiwa et moi-même, à Bâle, parallèlement à l'équipe de Matthemi Scott, de l'université d'Indiana, avons réussi à isoler le gène Antennapedia . Ce gène très complexe comporte plus de cent mille paires de bases. Avec mon équipe et en particulier Bill McGinnis, j'ai découvert la même année qu' Antennapedia contient un segment de cent quatre-vingt paires de bases qui existe aussi dans les autres gènes homéotiques et que nous avons baptisé homéobox ou homéoboîte. En l'utilisant comme une sonde de repérage, nous avons pu isoler rapidement plusieurs nouveaux gènes homéotiques tels Deformed et abdominal A . Les gènes homéotiques déterminent la synthèse de protéines régulatrices qui activent ou bloquent l'activité d'autres gènes cibles en se fixant directement sur l'ADN. En effet, l'homéoboîte code pour une région des protéines régulatrices que nous avons nommée homéodomaine, par laquelle ces protéines reconnaissent chacune une séquence d'ADN particulière une suite de bases donnée, un peu comme un gant qui épouse les contours de la main.

D'après les résultats précédents, le gène Antennapedia semble déterminer la formation des pattes. Comment peut-on le vérifier expérimentalement ? En 1987, nous avons inséré le gène dans un vecteur d'expression qui ne fonctionne qu'en présence de chaleur : une fois le vecteur introduit dans des embryons de drosophile, on active Antennapedia tout simplement en augmentant temporairement la température du milieu d'élevage. Appliqué au début du troisième stade larvaire, ce traitement entraîne la transformation des antennes en pattes.

Cela prouve que les antennes constituent un maillon faible dans le circuit de régulation établi par les divers gènes homéotiques : l'expression du gène Antennapedia , en plus des gènes homéotiques s'exprimant normalement dans les antennes, est suffisante pour faire passer les cellules de la voie de développement « antennes » à la voie « pattes ».

Le nouvel appendice correspond à la deuxième paire de pattes présentes sur le deuxième segment du thorax, qui en comporte trois. En plus des pattes, Antennapedia fait apparaître sur la tête des structures dorsales qui correspondent également au deuxième segment thoracique de la mouche. On peut donc conclure que le gène Antennapedia code une protéine régulatrice indispensable à la formation de ce segment thoracique et de la paire de pattes correspondante. Cependant, il n'agit pas seul : c'est toujours une certaine combinaison de gènes homéotiques qui détermine la genèse d'un segment donné de l'insecte.

A la suite de la mise en évidence de l'homéoboîte chez la drosophile, nous avons découvert, à notre grande surprise, que les vertébrés possèdent également cette séquence d'ADN. En 1984, avec Eddy De Robertis et ses collaborateurs, alors à l'université de Bâle, nous avons isolé le premier gène à homéoboîte chez un vertébré, un crapaud sud-africain, le xénope Xenopus laevis . Puis nous avons fait de même chez la souris, avec Frank Ruddle, de l'université Yale, qui passait une année sabbatique à Bâle. La similarité de la séquence des homéoboîtes chez la drosophile et la souris est frappante. Les homéoboîtes du gène Antennapedia et celles du gène HoxA7 de la souris divergent pour seulement un acide arniné sur soixante. Constat qui suggère l'existence d'une pression sélective suffisamment forte pour conserver cette séquence durant des centaines de millions d'années. L'hornéoboîte sert donc probablement des fonctions voisines ou identiques chez les insectes et chez les vertébrés.

Chez la drosophile, les gène homéotiques sont groupés sur le chromosome 3 sous forme de deux ensembles, deux complexes, de gènes : le complexe Bithorax et le complexe Antennapedia , qui constituent le complexe HOM-C pour Homeotic Complex . Dans ses premières études des gènes homéotiques de la drosophile, ceux du complexe Bithorax , Edward B. Lewis, de l'Institut de technologie de Californie, avait découvert en 1978 que l'ordre des gènes homéotiques sur le chromosome 3 correspond à l'ordre dans lequel ils sont activés le long de l'axe antéropostérieur du corps. En 1980, Tom Kaufman, à l'université d'Indiana, a appliqué ce principe au complexe Antennapedia . Ce dernier régule la construction de la tête et des deux premiers segments antérieurs du thorax. De son côté, Edward Lewis a démontré que le complexe Bithorax contrôle la formation du segment thoracique postérieur et des huit segments abdominaux. Chez d'autres insectes, comme les ténébrions du genre Tribolium , les gènes des deux complexes sont rassemblés dans un même ensemble, qui représente probablement la forme ancestrale de l'organisation des gènes homéotiques.

Fait surprenant, la concordance de l'organisation des gènes sur le chromosome et de leur ordre d'expression a été retrouvée chez la souris et chez l'homme. Toutefois les mammifères possèdent quatre groupes de gènes homéotiques au lieu d'un seul, nommés complexes Hox pour homéobox et situés chacun sur un chromosome différent. Malgré tout, il est clair que les gènes à homéoboîte des insectes et des mammifères sont de véritables homologues moléculaires.

Mais l'homologie signifie-t-elle que les gènes homéotiques des mammifères exercent les mêmes fonctions que les gènes correspondants de la mouche ? Cette question a été abordée à partir de 1991 par l'équipe de Peter Gruss, à l'institut Max Planck de Göttingen, en Allemagne. Ces biologistes ont fait se développer des embryons de souris transgéniques chez lesquels le gène HoxA7, le « cousin » du gène Antennapedia , était exprimé dans tous les organes. De tels embryons montrent une transformation homéotique caractéristique : l'os basioccipital de leur crâne est modifié en une vertèbre supplémentaire, le proatlas, absente chez les mammifères. Ceux-ci possèdent généralement sept vertèbres cervicales, nombre constant depuis les reptiles mammaliens à partir desquels les mammifères ont évolué, voilà deux cent vingt millions d'années. Cependant, un proatlas existe chez quelques groupes de reptiles qui ont un nombre plus variable de vertèbres cervicales. Par conséquent, il semble que cette transformation homéotique ait fait tourner la roue de l'évolution plusieurs millions d'années en arrière comme Goethe l'avait imaginé.

Une expérience complémentaire a été menée à bien en 1993 par l'équipe de Mario Capecchi, à l'université de l'Utah. Utilisant la technique de la recombinaison homologue, ou « knock out », Capecchi a inactivé le gène HoxD3 chez la souris. La transformation précédente vertèbre en os du crâne se produit alors en sens inverse : l'atlas est modifié partiellement en os basioccipital. Comme chez la drosophile, les deux types de mutations des gènes à homéoboîte ont donc des effets opposés.

De tels résultats indiquent que les gènes homéotiques ont chez la souris la même fonction que chez la drosophile : déterminer la mise en place des organes de l'avant à l'arrière du corps. Une interprétation confirmée par une expérience effectuée en 1990 par Bill McGinnis et ses collaborateurs, à l'université de Yale : ils ont inséré le gène HoxD3 homologue du gène Antennapedia dans des mouches transgéniques, via un vecteur que l'on actionne par la chaleur. Le gène de la souris a entraîné la transformation des antennes en pattes... de mouche ! La drosophile, fine mouche, peut donc « comprendre » la souris et « lire » son information génétique.

Depuis de nombreuses années, des mutations affectant le développement de l'oeil sont connues chez les mammifères. Par exemple, la mutation Small eye conduit à la réduction de la taille des yeux microphtalmie chez les souris qui ont une copie défectueuse et une copie normale du gène correspondant souris hétérozygotes.

Les rongeurs dont les deux copies du gène sont mutées homozygotes meurent à l'état embryonnaire, totalement dépourvus d'yeux et dotés d'un. système nerveux anormal. Il existe une maladie héréditaire humaine semblable, l'aniridie : les hétérozygotes ont de petits yeux dépourvus d'iris. Un seul cas d'homozygotie entraînant l'absence totale d'yeux et la mort du foetus a été décrit.

Le gène SmaIl eye de la souris a été isolé en 1991 indépendamment par Claudia Walther et Peter Gruss, à Göttingen, et par les équipes de Robert Hill, du Western General Hospital d'Edimbourg et de Brigid Hogan, de l'université Vanderbilt à Nashville. Le gène de l'aniridie a été mis en évidence la même année par Grady Saunders et ses collaborateurs à l'université du Texas. Les deux protéines correspondantes possèdent la même séquence d'acides aminés. Les mutations Small eye et Aniridia affectent donc le même gène, qui a été conservé identique de la souris. à l'homme.

Ce gène contient à la fois une homéoboite et une « paired box » codant pour une deuxième région de la protéine, également capable de se fixer sur l'ADN des gènes cibles. La « paired box » a été découverte en 1986 par le groupe, de Markus Noll, à l'université de Bâle, dans trois gènes gouvernant les premiers stades du développement la segmentation de l'embryon de drosophile, dont l'un s'appelle paired. Les gènes de régulation contenant une « paired box » constituent la famille des gènes Pax pour paired box, par analogie avec la famille Hox des gènes comportant une homéoboite. Dans cette nomenclature, Small eye est baptisé Pax6 . Les deux « boîtes » peuvent se trouver associées ou non dans les différents gènes Hox et Pax. Une belle illustration de ce que François Jacob a nommé le « bricolage de l'évolution » : au cours du temps, diverses parties de différents gènes se sont recombinées de façon variable en produisant de nouvelles fonctions.

Deux ans après que le gène Pax6 autrement dit Small eye et Aniridia a été identifié chez la souris et chez l'homme, l'une de mes étudiantes, Rebecca Quiring, a isolé le gène homologue chez la drosophile. Une découverte quasi accidentelle puisqu'elle cherchait un tout autre gène qu'elle n'a jamais trouvé. La fonction de l'équivalent de Pax6 était totalement inattendue. Sa position sur le chromosome 4 de la drosophile, déterminée par Uwe Walldorf et Urs Kloter, m'avait immédiatement alerté : il pouvait s'agir du gène Eyeless , dont la mutation, décrite pour la première fois en 1915 par Mildred Hoge aux Etats-Unis, provoque l'absence d'yeux ou la formation d'yeux plus petits. De fait, Uwe Walldorf a montré en 1994 que le gène homologue de Pax6 chez la mouche est affecté par les mutations eyeless . Les gènes Pax6 souris, homme et Eyeless drosophile sont très similaires: les domaines paired de liaison à l'ADN sont identiques à 94% et leurs homéodomaines à 90 %. Un même gène homéotique semble bel et bien requis pour le développement de l'oeil des insectep et des mammifères. Voilà qui va à l'encontre du dogme, énoncé encore dans de nombreux ouvrages de biologie, selon lequel les yeux des mammifères et les yeux composés des insectes sont des structures sans rapport ayant évolué indépendamment.

Puisque les gènes à homéoboite sont des gènes régulant l'activité d'autres gènes, la découverte d'une homéoboîte et d'une « paired box » dans le gène eyeless de la drosophile, l'équivalent du gène Pax6 des mammifères, me laissait penser qu'il s'agissait d'un gène de régulation. Eyeless pouvait être soit un « gène maître » contrôlant toute la cascade génétique du développement de l'oeil de la drosophile, soit un gène d'un niveau inférieur de la cascade, puisqu'un blocage à un tel niveau peut tout aussi bien arrêter le développement.

Pour tester ces hypothèses, j'ai conçu une expérience dont je rêvais depuis longtemps mais sur laquelle la plupart de mes collègues n'auraient pas parié. Elle consistait à faire exprimer le gène eyeless normal dans d'autres parties du corps de drosophiles transgéniques afin de savoir s'il engendrerait la formation de l'oeil dans ces régions. En 1994, mes collaborateurs Patrick Callaerts et Georg Halder ont adapté un système d'expression provenant de la levure de bière gal4 pour activer la transcription de Eyeless dans des cellules où il n'est normalement pas transcrit . Les différentes parties du corps de la. drosophile se constituent durant la métamorphose le passage du stade larvaire au stade adulte à partir d'un ensemble de « blocs de construction », les disques imaginaux*.

Nous avons activé Eyeless dans les disques imaginaux des ailes ; des pattes et des antennes en plus de son expression normale dans les disques des yeux. Après la métamorphose, les mouches adultes arboraient des yeux sur ces différents appendices ! L'examen microscopique des yeux a prouvé qu'ils étaient normaux. Et des études électrophysiologiques préliminaires ont indiqué que les cellules photoréceptrices fonctionnaient bien, convertissant la lumière en un signal électrique. S'il n'avait été qu'un gène inférieur dans la hiérarchie, Eyeless n'aurait dirigé qu'une partie du programme. Mon intuition était confirmée : le gène eyeless s'avérait être le gène maître de la formation de l'oeil. Ainsi, un seul gène peut diriger la genèse d'un organe aussi complexe dans des régions où il ne se développe pas en temps normal.

Une expérience encore plus audacieuse consistait à introduire, le gène Small eye Pax6 de la souris chez la drosophile et de vérifier - puisqu'il est l'homologue de eyeless - s'il pouvait lui aussi être à l'origine des yeux sur les différents appendices de l'insecte. Nous avons tenté l'expérience. Résultat probant : le gène Pax6 de la souris peut induire la formation d'yeux chez la mouche, bien que la divergence des branches évolutives qui ont mené à la drosophile et à la souris date d'au moins cinq cents millions d'années. Des gènes maîtres contrôlant la genèse de l'oeil ont aussi été découverts chez un ver plat, un némerte, un calmar et un tunicier.

Bien sûr, il s'agit d'yeux composés de drosophile et non d'yeux de souris ! Nous avons estimé qu'au moins deux mille cinq cents gènes sont requis pour que se différencie un oeil de drosophile. Les gènes Small eye et Eyeless ne représentent que le sommet de l'édifice génétique. Néanmoins, les cellules de la mouche « comprennent » le message que leur adresse le gène maître de la souris, de sorte que tout l'édifice fonctionne parfaitement.

Depuis cette trouvaille, nous avons découvert des gènes homologues de Eyeless et de Small eye chez un ver plat une planaire, Dugesia tigrina , un ver némerte Lineus sanguineus , un calmar Loligo vulgaris et chez une ascidie Phallusia mammillata . Pour ces organismes peu apparentés, il est très difficile de prouver que le gène en question est directement impliqué dans la morphpgenèse de l'oeil. Mais le haut degré de conservation de la séquence du gène milite en faveur de l'idée que eyeless donc Small eye , autrement dit Pax6 est le gène maître universel du développement de l'oeil chez les animaux. Une telle hypothèse a évidemment d'énormes implications sur notre façon d'envisager l'évolution des espèces. Charles Darwin 1809-1882, dans son célèbre ouvrage De l'origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie 1859, a consacré un chapitre entier aux difficultés que rencontrait sa théorie.

Il confessait qu'il lui semblait impossible, à première vue, d'expliquer l'origine d'un organe aussi parfait et complexe que l'oeil par de simples variations dues au hasard nommées mutations quelques décennies plus tard et par la sélection naturelle seuls les organismes les mieux dotés survivent. Cependant, il ajoutait ensuite qu'une solution était possible si l'on admettait que l'oeil parfait des insectes et des vertébrés avait évolué par de nombreuses gradations à partir d'« un appareil simple, consistant en un nerf optique entouré par des cellules pigmentées et recouvert d'une peau transparente ». Une sélection agissant pendant des millions d'années aurait pu progressivement améliorer ces organes jusqu'à ce que des yeux sophistiqués apparaissent. Au XXe siècle, les néodarwinistes ont néanmoins postulé que les yeux ont évolué séparément dans un grand nombre de groupes animaux à partir de dizaines de prototypes d'yeux primitifs différents.

Toutefois, la formation d'un photorécepteur fonctionnel a dû être un événement très rare chez les premiers invertébrés, si bien qu'il est peu probable que l'oeil perfectionné des insectes et des vertébrés ait évolué à partir de prototypes indépendants. Nos découvertes sur les gènes de régulation du développement vont dans ce sens. Elles suggèrent que les différents types d'oeil animal ont évolué de manière divergente à partir d'un seul prototype, qui devait exister chez un invertébré primitif tel qu'un ver plat. La nature a trouvé un « truc », puis elle l'a modifié par la suite. Après la divergence initiale, un phénomène de convergence adaptative a produit des yeux de structures voisines chez les vertébrés et chez les céphalopodes calmars, poulpes, etc., bien que ces types d'yeux se développent selon des processus différents. Charles Darwin aurait sans doute apprécié de voir cautionner ce qu'il avait pressenti voilà plus d'un siècle.



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